Histoire de la mérule, condition de son développement, de sa reproduction, de sa croissance
La Mérule pleureuse ou mérule des maisons : elle est le champignon lignivore le plus répandu et le plus dévastateur des bâtiments.
Si elle a ce qualificatif de « pleureuse », c'est en raison de son mycélium qui suinte des larmes colorées.
Originellement, elle proviendrait d'Asie, de l'Hymalaya plus particulièrement, et se serait déplacée à travers le monde grâce aux échanges commerciaux maritimes.
Dans le monde, il existe au moins 5 espèces de Mérule qui appartiennent toutes au genre Serpula. Mais seulement deux sont présentes en Europe (Serpula lacrymans et Serpula himantioides)
⦁ La Mérule pleureuse, Serpula lacrymans. C'est la plus courante, mais que l'on ne retrouve pas dans la nature.
⦁ La Mérule sauvage, encore dénommée Mérule sylvestre, Serpula himantioides. On la retrouve ça et là dans nos forêts, souvent discrète, ainsi que sur les bois ouvrés dans le bâti, en extérieur et moins souvent en intérieur.
⦁ La Mérule de Sibérie, Serpula tignicola
⦁ La Mérule nord-américaine, Serpula incrassata
⦁ La Mérule sud-asiatique, Serpula similis
Les souches de Serpula lacrymans ont d'abord migré en Amérique du Nord (en Oregon) puis en Amérique du sud et enfin en Océanie et en Europe. Si elle est absente des zones tropicales, c'est très certainement en raison de son intolérance aux températures élevées.
Historiquement, on trouve mention de son existence dans la Bible où elle est dénommée « lèpre des maisons » et est considérée comme un châtiment divin ! La comparer à la lèpre n'est pas fortuit ; tout comme la maladie, le champignon contribue à la destruction de son hôte et est fortement contagieux.Pour s'en débarrasser, la Bible préconise le passage d'un prêtre dans la maison infestée….au XXIème siècle, nous suggérons le passage d'un professionnel !
On retrouve trace de la mérule au 17ème siècle, lorsque sont évoquées les dégradations provoquées sur des navires. Avant l'apparition des coques métalliques, la mérule fut responsable de nombreux naufrages voire même de désintégration lors de mises à flot. Pour les amateurs d'Histoire, le capitaine Nelson, vainqueur des troupes napoléoniennes lors de la bataille de Trafalgar, a vu une partie de sa flotte détruite par la mérule ! Voyageant de port en port le champignon s'est étendu partout sur le globe.
Sur terre ferme, on constate de nombreux travaux scientifiques ayant pour objectif l'élimination de la mérule dès le 19ème siècle. En France, jusqu'au début des années 1990, les attaques restaient des épisodes rares mais depuis cette période, la présence de la mérule explose. Les professionnels de l'habitat expliquent cette expansion par l'accroissement des travaux d'isolation et d'étanchéité. Ces travaux avaient pour but d'apporter une meilleure protection contre les intempéries extérieures, ils ont ainsi augmenté la condensation intérieure et défavorisé l'aération naturelle ( le simple vitrage par exemple assurait une ventilation entre intérieur et extérieur que ne permet plus le double vitrage). Voilà une explication de l'accroissement du développement de la mérule.
On observe par ailleurs une croissance identique à la nôtre chez nos voisins allemands, suisses, belges, hollandais et anglais. Actuellement, la mérule est présente dans quasiment tous les départements français, où elle a pu être identifiée, soit par prélèvements adressés à des laboratoires, soit directement sur site lors des expertises, surtout le long du littoral atlantique, de la Manche et de la Mer du Nord et en progression constante et de façon exponentielle à l’intérieur du pays.
L'agence nationale de l'habitat dénonce la mérule comme étant le champignon le plus nocif et destructeur, qui cause le plus de problème dans les habitations. Autant dire qu'il faut rester attentif au moindre doute et réagir rapidement.
En milieu naturel, les champignons lignivores (qui ont la capacité de décomposer la lignine, la cellulose, les hémicelluloses, composants essentiels du bois). Attention lignivore ne veut pas dire « qui mange la lignine, le mot vient du latin lignum “bois” et voro “avaler, dévorer”. Ils participent à la régulation de l'équilibre naturel en éliminant les bois morts. Malheureusement lorsque ces champignons s'invitent chez nous et qu'ils décident de s'en prendre à nos bois d'oeuvre, on les juge beaucoup plus gênants. Et il faut savoir que la mérule Serpula lacrymans ne se trouve que dans nos habitations, où les grottes et cavités d’origine naturelle ou anthropique. On trouve en revanche Serpula himantioides en forêt dans les massifs montagneux principalement et notamment sur les bois abattus de pin.
Petit tour des conditions favorables à son développement
Un taux moyen d'humidité du bois compris entre 22% et 35%.Au-delà de 40%, elle ne peut plus se développer, au-deçà de 22%, c'est la mort assurée ; mais les syrrotes l’approvisionnent en eau, elle peut alors continuer son œuvre destructrice.
Une température optimale comprise entre 12 et 15°C. Elle ne supporte pas les températures extrêmes élevées ; quant au gel, les études ne se penchent pas dessus, considérant qu'il ne gèle jamais dans une habitation. De récentes études, menées par le laboratoire de la SEMHV montrent qu’elle résiste à -1° et commence sa croissance à partir de 5°.
Une atmosphère globalement confinée, obscure, sachant que les vapeurs d’ammoniac peuvent contribuer à faciliter sa croissance. Autrement dit, elle affectionne particulièrement salles de bain et cabinets de wc, mais c’est généralement dans les caves et sous-sol où elle est la plus présente. La mérule a peu de besoin en oxygène, aussi, elle parvient toujours à se développer suffisamment.
Bien entendu, il y a aussi des conditions défavorables à la poursuite de son développement
La perte d'humidité globale.
La mérule est incapable d'absorber l'humidité atmosphérique, il lui faut donc de l'eau dans son environnement direct.
La baisse entre 20% et 30% de la teneur en eau du bois.
Une température extérieure comprise entre 28° et 35°C.
Mais oubliez les réjouissances, amoindrie n'est pas vaincue : la mérule se mettra en phase de latence sommeil où elle patiente tranquillement pour que les conditions redeviennent clémentes à sa croissance et cette phase peut durer plusieurs années. Sachez néanmoins qu’une mérule est soit vivante (peu active, active ou très active suivant ses conditions environnementales) ; soit morte et là, vous pouvez toujours l’arroser, elle reste morte à tout jamais.
En revanche, rassurons-nous un peu, elle ne survivra pas à ces conditions :
Taux d'humidité du bois inférieur à 20% (Mais, à la seule condition que les syrrotes ne l’alimentent pas).
Température supérieure à 35°C durant plus de 6 heures ou supérieure à 45°C durant plus de 15 minutes.
Il est à préciser que si votre habitation ne présente pas de pièce humide et si l'aération est bonne, vous ne fournissez pas un endroit idéal.
La mérule se développe dans l'obscurité, derrière les plinthes, les plafonds, sous les revêtements de sols. Cachée de la sorte, on ne constate sa présence que lorsque le bois détérioré est totalement dégradé ou quand elle développe un sporophore (organe reproducteur).
Elle attaque la cellulose des éléments qu'elle affaiblit, sans toutefois toucher à la lignine (partie composant le bois).
Le développement de la mérule se déroule en deux phases :
1/ Description de la Mérule Pleureuse
Elle est formée de filaments mycéliens très fins (ou hyphes) de 1 à 7 (40 µm pour les hyphes vasculaires) millièmes de millimètre de diamètre.
Certains de ces filaments pénètrent dans la masse du bois, perforent les cellules pour passer de l’une à l’autre et se nourrir ; d’autres vont rester en surface, s’enchevêtrer plus ou moins pour donner une sorte de toile rappelant une toile d’araignée.
Lorsque les conditions sont favorables, le champignon donne naissance à des coussinets, à des plaques blanches à l’aspect duveteux. Sur ces formations, pourront apparaître des plages jaunâtres qui se couvriront de gouttelettes très réfringentes, rappelant les larmes, d’où l’épithète lacrymans, donné à cette espèce, du genre Serpula.
Lorsque les conditions deviennent moins favorables, les filaments mycéliens ont tendance à s’assembler pour former des cordons, les syrrotes. Blancs à blanc grisâtre, mesurant 1 à 2 millimètres de diamètre, ces cordons peuvent atteindre 82 mètres de long (Constatation SEMHV au château de Mercy près de METZ 57). Les syrrotes s’étalent parfois en éventail pour former des palmettes de structure membraneuse et de teinte grisâtre sur leur face externe.
Ces différentes mycéliums (formations végétatives) se développent à l’obscurité. Par contre, un minimum de luminosité est nécessaire à l’apparition des sporophores (fructifications productrices de basidiospores).
Lorsque les conditions sont particulièrement favorables (lumière, humidité, confinement), coussinets et plages blanches cotonneuses donnent naissance aux sporophores qui vont s’étaler à la surface des murs, du bois, parfois du sol. Elles se présentent sous forme de plaques plus ou moins rondes, elliptiques ou de forme quelconque, et peuvent dépasser 3 mètres de diamètre. La marge stérile est blanche, mesure environ 1 centimètre d’épaisseur. Le centre, coloré en jaune orangé, formé d’alvéoles plissées plus ou moins régulières, constitue la partie fertile ou hyménium ; il prend une teinte oranger rouille avec la formation des basidiospores émises par milliards à la surface de ces alvéoles.
2/ Role particulier joué par les filament myceliens, les SYRROTES (RHIZOMORPHES) et les SPOROPHORES (FRUCTIFICATIONS).
⦁ Les Filaments mycéliens (Mycélium)
Ils produisent une enzyme qui hydrolyse la cellulose. Sous son action, le bois brunit, devient cassant, se clive selon trois plans perpendiculaires pour donner une pourriture cubique. Le bois, devenu friable, a perdu toute résistance mécanique.
⦁ Les Syrrotes (Rhizomorphes)
Particulièrement résistants, ils permettent au champignon de repartir après une période de sécheresse. Ils se comportent aussi comme de véritables formations vasculaires en assurant le transport de l’eau et des substances nutritives, permettant ainsi au champignon de s’installer à plusieurs mètres de son point d’origine, d’y assurer une réhumidification locale, et une nouvelle implantation. Dès que l’attaque de la cellulose commence, son hydrolyse fournit un complément en eau non négligeable, qui facilite l’installation du nouveau venu. Les syrrotes vont ainsi permettre à la Mérule de s’infiltrer dans les plafonnages, de passer sous les plinthes, de traverser les murs en profitant des fissures, des joints mal étanches, des bétons poreux… et de prendre possession de nouveaux espaces, de nouveaux locaux.
Précisons que Serpula himantioides, voisine de Serpula lacrymans est capable de solubiliser le sulfate de calcium ou gypse utilisé dans les constructions, et ainsi de dégrader les murs.
⦁ Les Sporophores (Fructifications)
Ils produisent des basidiospores en nombre considérable. Selon FINLAY (1953), un sporophore de près de 1 mètre de diamètre, peut libérer quelque cinq millions de spores à la minute pendant une longue période, spores colorées qui ne tardent pas à recouvrir d’une poussière rouille caractéristique, les objets avoisinants. Ces spores seront ensuite disséminées par les courants d’air, l’homme, les insectes, les objets pollués… Vu l’importance des émissions, elles n’auront aucun mal à rencontrer des conditions favorables permettant de perpétuer cette espèce aux exigences particulièrement strictes.
Une spore se dépose sur une surface favorable à son développement, elle germe et engendre des filaments (hyphes) qui se développent sur la surface (mycélium). Alors la mérule peut continuer son travail de dégradation du bois et de la maçonnerie tout en poursuivant son cycle de reproduction.
Voici les endroits susceptibles d'accueillir la mérule :
⦁ Les maisons anciennes, humides, ayant une mauvaise ventilation, ou des maisons inhabitées durant plusieurs mois, conditions favorables à son développement.
⦁ Les bois adossés ou encastrés :
⦁ Derrière une gouttière abîmée, une maçonnerie détériorée ou avec une fissure permettant une infiltration.
⦁ Un mur enterré non étanché ou non exposé au soleil et recouvert de végétation.
⦁ Les bois posés ou encastrés dans les caves avec une mauvaise aération, dont le sol est en terre.
⦁ La proximité d'une fuite d'eau.
⦁ Un mur froid derrière un meuble, un lambris, des boiseries.
⦁ La proximité de fenêtres en mauvais état, modifiées voire déplacées, et sans adaptation de la ventilation.
⦁ Un local peu ou pas chauffé avec une humidité persistante.